mardi 1 novembre 2022

Vivre avec la SEP : se lancer des défis sportifs

 



Chaque année je me lance un défi sportif, une semaine de sport pour voir où j'en suis. C'est à la fois une façon de me pousser davantage qu'à l'accoutumée et de me prouver que je peux encore me lancer dans des défis sportifs. Je faisais énormément de sport avant le diagnostic de la SEP et même si j'ai vu mes capacités baisser, notamment sur les efforts de longue durée, j'essaye de me mobiliser plusieurs fois par semaine notamment pour éviter la spasticité et maintenir le tonus. On a souvent pensé que le sport accentuait la fatigue pour les gens atteints de SEP. En fait, c'est plutôt l'inverse. Le sport a des vertus positives sur le long terme. En début d'année, je me fixe des objectifs sportifs pour l'année à venir. Cette année j'ai décidé de recourir et mon objectif est d'atteindre 5 kilomètres (il me reste deux mois j'arrive à courir pour l'instant 4 kilomètres). Je m'étais aussi programmé une semaine de sport d'eau dans l'année. Les sports d'eau sont plutôt une bonne entrée quand on souffre de SEP et de spasticité. Je me suis donc inscrit à une semaine d'initiation au surf, à raison de deux sessions par jour. Rapidement le premier jour, j'ai vu que l'effort physique demandé était beaucoup plus important que mon niveau de sport quotidien. Cependant, je me suis accroché comme c'était le but recherché de cette semaine et tout en me ménageant des pauses j'y suis arrivé, réussissant même à me lever parfois sur ma planche. Le fait de se pousser périodiquement au niveau sport se ressent immédiatement sur son bien être général. Bien évidemment vous serez fatigué directement après l'effort, même potentiellement exténué. Cette fatigue sera transitoire et finalement une fatigue différente de celle ressentie au quotidien avec la SEP. Je l'ai appelée la bonne fatigue. Lors de ce stage j'ai eu l'occasion de rencontrer une femme de 29 ans hémiplégique suite à un AVC très jeune et qui malgré son handicap allait quand même dans les vagues. J'ai été particulièrement impressionné et je me suis dit que faire les efforts dans mon cas était finalement facile. La semaine suivant le stage, j'étais particulièrement fatigué musculairement notamment. La semaine suivante par contre j'avais le sentiment d'avoir gagné en tonus général et d'avoir aussi plus de force dans mes déplacements. Je vous encourage selon vos capacités à maintenir une forme d'activité physique régulière même si votre SEP est avancée. En adaptant la difficulté à son handicap, tout le monde peut le faire. Cette femme hémiplégique en est un parfait exemple.

samedi 20 août 2022

Vivre avec la SEP : Paris à Stockholm en passant par le cercle polaire

 


Je n'ai pas écrit depuis longtemps. Je voudrais vous relater un projet de voyage que j'ai réalisé récemment. J'avais le projet avant le covid d'aller jusqu'à Stockholm en train en passant par le cercle polaire arctique sans utiliser l'avion (je reviendrai de Stockholm en avion). Le challenge était aussi un défi physique avec la SEP. Il y avait, outre la crainte d'avoir une poussée, comment j'allais gérer la fatigue et d'éventuelles problèmes de digestion et de vessie. J'ai commencé à planifier ce voyage fin janvier 2022 quand j'ai vu que le covid ne devrait pas être un obstacle trop grand pour voyager en mai. Les pays parcourus, Hollande Norvège et Suède étant plutôt stables sur le plan sanitaire, j'étais plutôt serein. J'ai pris un maximum de billets et de réservations annulables pour perdre le moins d'argent possible en cas de résurgence de l'épidémie ou de problèmes de santé imprévus. Le parcours fut le suivant :

- Paris jusqu'au nord de la Hollande (Eemshaven) en train
- Bateau jusqu'au Sud de la Norvège (Kristiansand (
- Train Kristiansand -Oslo
- Train Oslo - Trondheim
-  Train Trondheim - Bodo (qui a été remplacé par un bus !)
-  Bodo - Stamsund aux Lofoten en bateau
-  Stamsund Harstad en bateau
-  Harstad Narvik en bus
-  Narvik - Abisko puis Stockholm en train.
Les villes ne sont souvent pas très connues mais une recherche Google vous montrera le chemin à parcourir.
La préparation s'est donc avérée cruciale. D'un point de vue médical, tout d'abord. Il s'agissait de prendre le bon nombre de médicaments, la logistique de toutes les interconnexions entre les différents transports pour ne pas être trop fatigué. Savoir se garder des temps de repos entre les longues étapes. Savoir aussi quel était le mode de transport le moins fréquent. Dans mon cas les bateaux étaient rares et donc il ne fallait pas les rater quitte à adapter le reste .L'idée est aussi de doser les efforts chaque jour.

Voici mon récit sans parler de la SEP mais bien de l'aventure.

"Quand on entreprend d'aller en train à Stockholm en passant par le cercle polaire arctique, on ne peut que penser que le chemin est plus important que la destination. Alors parlons-en de ce chemin. Celui de quelqu'un qui avait envie de prendre le temps et donc de prendre le train. Tout commence à la gare du Nord. La gare du Paris-Lille en une heure deux mais aussi le point de départ de hordes de touristes et fêtards vers Bruxelles et Amsterdam. J'emprunte un de ces trains un vendredi matin. Le train est bondé, la majorité des gens descendent en effet à Amsterdam. Ça parle de soirées, de quartier rouge, des enfants pleurent. Les deux ingénieurs devant moi évoquent plus sérieusement les deep fakes, ces vidéos où vous pouvez usurper le visage de quelqu'un et lui faire dire ce que vous voulez. De là, des réflexions, finalement ne s'usurpe-t-on pas soi-même ? Tant de gens vous disent A au nom de la bien-pensante façon de penser, mais font en réalité B. Par exemple, combien ont décidé de renoncer à ces petits weekends en Europe à moins de 50eur en avion ? Je me pose moi-même la question. Je serai sans doute obligé de rentrer de Stockholm en avion, faute de temps et d'argent. Oui l'avion est moins cher, beaucoup moins cher...le paradoxe...des débats...des instances européennes qu'on voudrait plus directives sur la taxation (elles savent l'être). Enfin je m'égare. Je suis à Amsterdam mais je ne m'y attarde pas. J'y ai vécu il y a quelques années et puis je veux tester les interconnexions parfaites à la sauce hollandaise. Je m'arrête vingt minutes à Amsterdam Centraal. Le temps d'acheter un sandwich boulettes. S'ils ont atteint les interconnexions parfaites c'est qu'ils ont sans doute du lever le pied ailleurs. Ils semblent avoir choisi la gastronomie. Je vais enchaîner 3 connexions en 2h30, chacune de moins de 3 minutes pour finalement ne perdre que très peu de temps. Elles ont toutes marchées. Chaque train attendant l'autre ou l'inverse. Almere Zwolle Leeuwarden, je suis à Groningen. Le pays d'un tour de France permanent me revient. Les vélos sont partout. La ville est magnifique, entourée de nombreux canaux. La Hollande flotte c'est connu. La dernière étape me conduit le lendemain à Eemshaven, port au nord de la Hollande. Un train Arriva, filiale de la DB m'y conduit. A Eemshaven vous avez une interconnexion train-ferry au milieu des éoliennes. Le paysage est assez surréaliste. Il n'y a pas de ville, juste un port, une gare, des éoliennes et un bateau pour la Norvège. Le nom est explicite : Holland Norway Lines. Le nom du bateau Romantika me fait penser qu'il y aura beaucoup de retraités croisiéristes. J'aurais pu passer par l'Allemagne et le Danemark et être à Stockholm en moins de deux jours. J'ai choisi ce détour car l'important je l'ai déjà dit c'est le chemin. Dans 18h je serai à Kristiansand. J'aurais dormi et en face du quai d'arrivée, il y aura la gare et un train pour Oslo opéré par Go Ahead Nordic. La traversée est paisible, mer calme on vogue sereinement. Le temps de voir que la Finlande et la Suède veulent rentrer dans l'OTAN. En espérant avoir atteint puis quitté Stockholm, avant que les Russes aient des idées bizarres. D'ailleurs d'idée bizarre, un Brest Vladivostok me tente après ce voyage. Je suis né à Brest. Il faudra que les frontières réouvrent ou alors faire des détours comme j'en fais à l'heure actuelle. Enfin Vladivostok est en Russie, donc il faudra que cette nouvelle guerre de blocks s'arrête... Le train véritable trait d'union entre les peuples ...Je m'égare une nouvelle fois... Je me suis reposé...seul fait marquant particulier, la traversée des chants d'éoliennes en mer probablement allemands ou danois... Encore des éoliennes et en les contemplant j'ai pu échanger avec un passager hollandais qui se questionnait sur la viabilité écologique. Produire de l'électricité à partir du vent mais détruire le milieu marin en dessous. Encore une réflexion.

 

Me voilà à Kristiansand, grand soleil même s'il fait froid, on sent qu'on remonte sur l'échelle des latitudes. A Kristiansand le train pour Oslo est donc une nouvelle fois en face du bateau. Je ne prends pas le premier pour déambuler quelques heures dans cette petite ville côtière par ce beau soleil. Il y a des casiers consignes pour laisser mon bagage. Le nord de l'Europe a décidément cette fâcheuse habitude de simplifier votre vie. Dimanche ville calme et air marin pour mon entrée en Norvège. Le train pour Oslo est extrêmement moderne. Le marché est libéralisé depuis peu et les nouveaux entrants ont tendance à mettre en avant une qualité « voyageur ». Les deux premières heures depuis Kristiansand sont magnifiques. Une succession de rivières lac et forêts s'offrent à moi, un voyage de contemplation unique, je ne touche presque pas à mon livre, fasciné par les scènes qui défilent. Sur la deuxième partie du parcours, il y a un peu plus d'habitations puis nous arrivons dans les contours d'Oslo. Mon ami vient me chercher à la gare avec son fils. Je vais vivre la fête nationale norvégienne avec des locaux. La Norvège accorde une forme de bienveillance une journée où l'on se sent bien. Quitter mes hôtes va être compliqué surtout que presque 24h de voyage s'annonce jusqu'au Lofoten. Là je reçois un message de la compagnie SJ. Mon train de nuit est remplacé par un bus de nuit. Une partie de mon périple tombe à l'eau car je le faisais en partie pour les trains de nuit norvégien. Mais plutôt que renoncer je vais me faire ces 10h de route jusqu'à Bodo. Je dormirais dans le bus au lieu de dormir dans le train. Ça rend le périple un peu moins sexy mais surtout plus difficile. On ne dort pas aussi bien dans un bus. Mais j'ai un bateau à prendre et les bateaux sont la partie structurante du voyage car il y en a peu. Ça va être une rude journée, 7h de train et 10h de bus puis 3h de bateau si j'arrive à temps...Les 7h de train ont offert leurs lots de paysages magnifiques. Je recommande notamment d'être bien éveillé entre Hjerkinn et Kongsvoll, un plateau somptueux avec neige et sommets et le soleil de fin d'après-midi. Arrivé à Trondheim, le train est bien remplacé par un bus. 2h à attendre jusqu'à ce que des personnels de la compagnie viennent nous expliquer la procédure. Les 10h heures de bus commencent... rapidement ils se muent en 11 heures 30. Plus on monte sur l'échelle des latitudes moins il fait nuit. D'un côté on se rapproche du cercle polaire de l'autre dormir devient impossible. Il y a beaucoup de neige et une route au milieu de tout ça... c'est beau et je me dis qu'en train j'aurais dormi et finalement râté cette féérie...5h30 je somnole et soudain la borne du cercle polaire m'apparaît. Je suis dans le grand nord...Je m'assoupis un peu... Nous arrivons à Bodo ville portuaire et porte d'entrée des Lofoten. Grand soleil la traversée va être magique. Le premier fait marquant, il y a une vie dans le grand nord. La ville départ des Lofoten donne l'image d'une ville dynamique et enjouée. J'ai quelques heures. Je laisse ma valise dans une des consignes de la gare et je pars en exploration... essentiellement jusqu'à la jetée du port...Je reviens ensuite à l'embarcadère des ferrys. Le bateau est déjà là même s'il ne part que dans deux heures. Un bain de soleil méditatif s'impose... façon plus poétique de dire sieste. Le bus de nuit m'a épuisé et il faut que je recharge les batteries pour ne pas manquer l'arrivée sur les Lofoten. Nous prenons la route... enfin la mer... enfin nous voguons… et peu à peu l'immense barrière de 2500 km se dessine...des montagnes plantées dans l'eau...un épitome rare de la beauté du monde. Vous êtes envahi d'un sentiment contemplatif de plaisir intense. Un de ses endroits dont vous aviez entendu parler et où vous dites "ah ouais...quand même". Le soleil de 19h resplendit. Il ne fait plus vraiment nuit dans ses latitudes en mai. On se sent minuscule…on se dit aussi que c’est pour ça qu’on voyage…il y a des moments…je suis dans un de ces moments…monumental moment…j'arrive à Stamsund. Ma logeuse m'attend et me recommande de bien vérifier la météo. Je reste trois jours chez eux mais seul le lendemain offre un temps possible à l'ascension d'un sommet. Réveil matinal et marche de deux heures sur des cimes encore partiellement enneigées me font prendre conscience que je n'aurais pas ce moment suspendu avant longtemps... cette vision de paysages sortis d'un conte...ce sentiment de paix intérieure...je m'égare encore. Les deux jours suivants sont très brumeux, je fais essentiellement du vélo entre les familles de moutons d'un côté et la mer de l'autre... Il faut prendre mon bateau suivant : direction Harstad, le point le plus au nord de mon voyage et aussi le plus complexe car j'ai un train à récupérer le lendemain après-midi à Narvik et qu'il faut trouver un moyen de faire Harstad Narvik, problématique pas si anodine...enfin 120km de problématique. Mais avant il y a la traversée au milieu des fjords et d'un jour infini... encore une fois on suspend tout et on savoure. Je vais quand même dormir un peu. Arrivé à Harstad à 7h le matin, le bateau débarque près de la gare routière... décidément cette praticité nordique (je l'avais peut-être un peu vérifiée en amont...) Toujours est-il que tout est fermé et que je croise un conducteur de bus qui me dit qu'il n'y a pas de bus direct pour Narvik. Il faut prendre un bus jusqu'à l'aéroport d'Evenes, puis un autre d'Evenes à Narvik... Ironie d'un voyage sans avion de devoir passer par un aéroport sans prendre de vol... le sens de l'histoire ...un jour les aéroports devront sans doute servir à autre chose...je rêve...je m'égare... Toujours est-il que des chasseurs s'entraînent tout au nord de la Norvège enveloppant de la bronca de leur décollage ces paysages si paisibles. Cela rappelle qu'au Nord, on est proche des Suédois…des Finlandais... mais aussi des Russes. Oublions la guerre. Les paysages de cet intermède routier sont une nouvelle fois une parenthèse enchantée...on ouvre les yeux on contemple, il fait beau. Enfin à Narvik…enfin retrouver le train et la gare la plus au nord du périple…beaucoup d’attentes donc…
La gare de Narvik est sans doute un des endroits les plus aptes à vous déboussoler. Vous vous attendez à une gare qui en jette (vous avez passé un temps fou pour en arriver là) et en fait la gare est en rénovation. Les quelques voyageurs présents rechargent leurs téléphones sur les prises du chantier. On est lundi et à part les ouvriers il n'y a personne. 9 minutes avant le départ, il n'y a pas non plus de train. Une Américaine qui va à Lulea n'a pas pu acheter de billets car le train est complet. Complet sur le site car le train est vide. Le train étant arrivé finalement cahin caha. On est sur du bon vieux matériel. Sachant qu'il va jusqu'à Stockholm, pas surpris de voir un certain nombre de mines dubitatives. Le train démarre et tout de suite il met ses habits de lumière pour justifier son statut de train mythique "l'artic train" ou plutôt de ligne mythique. Le train s'élance au milieu des montagnes norvégiennes et des fjords. Vision féerique de montagnes enneigées et de fjords certes, mais vision cartésienne en se disant que certains sont venus la construire cette ligne...une forme de reconnaissance pour ceux qui nous permettent tout ça. Nous passons la frontière. La Suède est plus plate, moins vallonnée mais toujours autant de neige et toujours pas de nuit. Je m'arrête à Abisko-Östra je reprendrai ce même train dans deux jours pour la fin du voyage. Je suis toujours au-delà du cercle polaire arctique mais il fait plus chaud. Le lac est gelé, randos dans le parc national. On est dans l'entre deux. Il y a encore de la neige mais ça fond vite. On n'est plus en hiver mais pas encore en été, la station est vide. Un entre deux très solitaire qui permet de se ressourcer. Je reprends le même train pour ma destination finale "Stockholm". Arrivée dans 16 heures 38 minutes. Jamais pris un train aussi long... Après je pourrais y dormir en théorie. Train couchettes rustique de la compagnie VY. Je suis seul dans ma cabine puis deux lycéens montent à Kiruna. Ils me parlent un peu en anglais puis se tournent vers leurs téléphones. Le décalage est trop grand. J'ai vieilli...j'ai appris...je m'égare.
Rapidement je m'endors, bercé par la fatigue accumulée et par le roulis du train. Je me réveille... nous arrivons dans une heure...le temps de faire un brin de toilette.

"Stockholm Central"

Je me suis égaré pendant quinze jours dans les méandres d'un monde sans avion."


Si j'en fais un premier bilan. Tout s'est bien passé dans le sens où médicalement, il n'y a pas eu de nouveaux symptômes. J'ai pu me lancer dans des excursions pédestres par demies journées. J'ai appris à me jauger. J'aime le train et j'ai aussi compris que c'est un moyen particulièrement adapté à cette maladie. Vous pouvez voir des paysages incroyables sans trop d'efforts. Il y a le sentiment de l'accomplissement à la fin du voyage mais aussi de fierté, de se dire que l'on peut négocier avec la maladie et que ça ne se passe pas trop mal. 



Bonne journée.


mardi 14 septembre 2021

Vivre avec la SEP : Vivre le moment présent


    J'ai fait une rencontre récemment, une personne que vous croisez pendant vos vacances, une personne que vous ne reverrez sans doute pas. Souvent ces rencontres sont les meilleures car la personne a peu d'information sur vous. Dans le cas de cette rencontre la personne avait l'avantage d'être une personne sans filtre, aucune retenue en positif comme en négatif. Depuis tout petit et encore plus depuis mon diagnostic de la sep, j'ai une tendance à me projeter dans l'avenir, souvent d'ailleurs en y voyant le mal et à ne pas profiter à 100% du moment présent. Par exemple, vous voyez un magnifique paysage, une personne en pleine conscience va vivre le moment soit en silence soit avec des expressions du type "c'est beau" alors qu'une personne en projection va dire "ça va être difficile lundi au bureau". Je me situe dans cette deuxième catégorie. Ça ne paraît pas grand chose mais finalement si ces deux personnes sont côte à côte la première percevra la réflexion du second comme perturbatrice et négative par rapport au moment présent.

Dans la sep comme en général la maladie va évoluer vers le négatif, on peut à la fois voir le futur en négatif, se brider par rapport à la réalisation de certaines actions du futur proche "je ne vais pas tenter ceci car tu sais s'il m'arrive ça..." et on finit par occulter les émotions de l'instant présent car notre esprit est complètement obstrué. On finit par ne plus prendre aucun risque et on s'éteint. Cette personne m'a dit "profite de l'instant présent". Cela peut commencer par des choses simples, manger plus lentement et sentir les aliments que l'on mâche, sentir l'eau que l'on boit, sentir l'objet que l'on saisit... Tout ce qui peut vous ramener au présent. Les sépiens sont souvent des esprits tourmentés, parcourus par de nombreuses idées parfois noires sur le futur. Et si on essayait de se prendre des moments pour vivre l'instant présent ? Je ne dis pas qu'il ne faille pas planifier un minimum, notamment avec les problématiques physiques de la SEP mais ne peut-on pas profiter plus ? Se prendre des moments où on est pleinement là ? Finalement c'est savoir arrêter de penser à un futur négatif pour profiter. Cette personne a définitivement touché un point sensible chez moi en me bousculant sur ce sujet de l'instant présent. Avant de dormir, je fais souvent de l'autohypnose mais là c'est essayer de vivre pleinement chaque moment. J'ai décidé que cela serait mon grand défi de la deuxième partie d'année et je voulais partager ceci avec vous car je sais que cela concerne un grand nombre de gens atteints de sep. 

Savoir profiter et arrêter de s'apitoyer sur la pensée d'un futur hypothétique qui ne sera pas forcément négatif car en plus de se faire mal on diffuse le négatif aux autres. Je vous partagerai l'impact et les avancées de cette décision.

Bonne journée.

dimanche 11 juillet 2021

Vivre avec la SEP : pensées d'été


 Je n'ai pas écrit depuis longtemps. Nos sommes à peu près à la moitié de cette année 2021. La covid est là, apparue soudainement dans nos vies. J'y vois un parallèle avec la SEP, apparue elle aussi soudainement. Le chemin avec le virus sera long, il en est de même pour la SEP. L'avons-nous décidé ? Non. Nos vies ont-elles été bouleversées ? Oui. La perception des gens change avec la SEP. Pour le virus, on commence à voir un schisme entre vaccinés et non vaccinés. On voit aussi le manque de recul, le fait que la science ne sait pas encore tout. Cela ramène aussi à la sclérose en plaques, maladie aux mille visages, dont la science n'a pas encore percé tous les mystères. 

L'ARN messager semble être une solution prometteuse pour faire face aux virus. La recherche montre que cela pourrait aussi devenir le cas pour vaincre certaines maladies auto-immunes. Là encore, beaucoup de similitudes.

Et il y a ce besoin de vivre, de revivre. Dans la sep, une fois le deuil de sa vie d'avant faite, une fois une part d'acceptation ou d'acceptabilité de sa nouvelle condition, il faut aussi penser à revivre. Revivre pour soi, revivre pour les autres, revivre avec les autres. A ce moment, commence en général l'expérience de la ligne de flottaison à trouver entre savourer pleinement en sachant qu'on le paiera les jours suivants et ne rien faire pas peur du risque. Où placer le curseur ? Comment entreprendre sans se faire sanctionner immédiatement parce qu'on a trop tenté et que la maladie nous a rattrapé en nous condamnant à un corps trop fatigué pour finir notre projet ? Je suis plutôt d'un naturel optimiste, je dirais "tentez !", "essayez !" en vous posant la question qu'est-ce qui arrivera dans le pire des cas ? S'il y a vraiment un danger important sur ma vie, en général j'y réfléchis à deux fois, dans le cas contraire je fonce. 

Cette maladie comme le virus nous apprend que la contrainte peut venir subitement sans qu'on l'attende, il faut profiter du temps présent. Dans mon cas, cette bascule a été mentalement difficile à faire. J'ai toujours pensé "futur". Mes différents emplois ont toujours été dans la planification. La société nous apprend à planifier, l'éducation est un pari sur l'avenir et on oublie de profiter suffisamment du "maintenant". Mon gros travail en 2021 se résume ainsi, essayer de se détacher du futur et vivre en pleine conscience l'instant présent le plus possible. Je prépare le moment en amont pour pouvoir le vivre le plus pleinement possible dans l'instant. Cela passe notamment par un ressenti de son corps, d'identifier les douleurs, de savoir les moments de sommeil supplémentaires nécessaires, pouvoir dire stop, mais aussi "je fonce" et enfin se détacher de la maladie. Je ne nierai pas qu'il est difficile de l'oublier. Beaucoup de choses vous y ramènent. Les IRM, les prises de sang, les visites à l'hôpital sont ces cartes postales annuelles, trimestrielles pour vous rappeler que vous serez toujours deux dans cette aventure. Dès lors, envisagez le partenariat, essayez le consensus. Vivre au quotidien avec un ennemi s'avère illusoire. Se battre contre soi-même ou avec soi-même ?

La vie même différente, c'est quand même bien n'est-ce pas ? Statistiquement, nous ne sommes pas très chanceux mais nous pouvons relativiser en nous disant que finalement nous avons gagné au loto en naissant. Ceci m'aide à me détacher des soucis bénins et matériels du quotidien, ça apaise l'esprit et cela permet de consacrer son énergie au moment présent. Reconsidérer l'important, ne pas dépenser d'énergie à se faire du mauvais sang. Facile à écrire, je sais.

Un très bon été à vous !

dimanche 28 mars 2021

Vivre avec la SEP : Bilan d'un an de vie dans un monde avec la Covid



Nous sommes dans une période compliquée dont, espérons-le, nous n'avons jamais été aussi proches de sortir. Revenir à une vie plus normale. La normalité d'avant. Cette période où nous avions la sclérose en plaques mais où il n'y avait pas de virus. Pour tous, l'arrivée dans le monde de la SEP constituait déjà une forme de saut dans un nouveau monde. Ce fut en tout cas mon ressenti. 

La maladie nous force constamment à nous adapter et je dirais que j'ai vécu la pandémie comme une adaptation supplémentaire. Quand je regarde autour de moi, j'ai le sentiment que cette nécessité d'adaptation est venue plus contraindre les "valides" car il n'avait jamais ressenti ce poids violent d'une contrainte imposée, durable dans le temps, à laquelle on ne peut pas s'opposer. Personnellement, j'ai vécu l'annonce de la SEP et les deux premières années qui ont suivi de manière bien plus terrible que l'annonce du premier confinement. Je me suis pourtant imposé un premier confinement très dur. Etant sous immunosuppresseurs et les médecins ayant très peu de recul sur l'impact de la Covid sur la SEP au début de la pandémie, je n'ai pris aucun risque. Je n'ai vu personne pendant deux mois, je me suis fait livrer ma nourriture. Décrit comme cela, nous ne sommes pas loin de la prison. Mais j'étais en télétravail (donc l'esprit occupé), je voyais de la famille et des amis par Internet. Le point différent est que cela concernait tout le monde. Toute la population était confinée. La déflagration du diagnostic de la SEP vous concerne vous, seul. C'est une introspection forcée, brutale, à laquelle on ne se prépare pas. On peut se préparer d'une certaine manière à un confinement (en achetant du papier toilette visiblement) et on sait que cela sera temporaire. Dans le cas de la SEP, vous savez que cela va durer, être imprévisible. Il y a moins de moyens pour la recherche que dans le cas d'une solution rapide multi-états pour une pandémie. La résignation s'empare de vous. La SEP bouleverse potentiellement aussi davantage votre vie. Un certain nombre d'entre vous ont dû changer de travail, arrêter certains sports, certaines activités. Ce fut mon cas. La crise de la Covid n'a pas forcément eu tous ces effets sur votre vie si vous avez pu garder votre emploi. Ce fut aussi mon cas. On retrouvera en théorie une grande partie de notre vie d'avant prochainement. Par contre, il y a peu de gens qui guérissent pleinement de la SEP. Elle s'endort parfois pendant plusieurs mois, plusieurs années puis revient soudainement. C'est psychologiquement plus difficile. Je la compare à la situation d'être reconfiné perpétuellement et sans préavis. Certes, si la situation sanitaire actuelle commence à y ressembler, on est encore loin de tout cela, car la SEP dure une quarantaine d'années ou plus pour les gens diagnostiqués dans leur vingtaine.

Pour revenir au sujet, j'ai donc plutôt bien vécu cette période. Médicalement, j'ai gardé mes problèmes sans trop d'accentuation (toujours les mêmes troubles de sommeil, vésico-sphinctériens, fatigue). Seule une tâche supplémentaire à l'IRM annuel est venu me contrarier, juste de quoi ne pas vous faire oublier que la maladie progresse toujours insidieusement. Sur le plan mental, je me suis surpris résilient, beaucoup plus résilient que je ne l'aurais soupçonné, en comparaison d'une certaine détresse psychologique que j'ai vue naître chez des personnes "valides" autour de moi. Je pense que la SEP vous force à une introspection dès le diagnostic et d'une certaine manière je crois que je l'avais déjà faite. Les cafés et restaurants fermés, lieux qui me permettent de faire des "pauses" quand je me balade ou visite une ville, le fait de voir mes amis masqués, le fait de travailler différemment, tout cela pèse à la longue. Cependant je garde espoir. La recherche a progressivement identifié peu de risques supplémentaires pour les personnes ayant la SEP, même les immunodéprimés. Les premières vaccinations des patients ayant la SEP ne présentent pas de risques particulièrement accrus par rapport au reste de la population. Plus généralement la vitesse à laquelle une solution a été trouvée, notamment grâce à l'ARN messager laisse à penser qu'un certain nombre de solutions vont être trouvées pour d'autres pathologies. L'objectif personnel qui m'anime et qui me fait vivre et de voir une solution à la SEP de mon vivant. L'après Covid sera peut-être plus compliqué pour moi. Reprendre sa vie d'handicapé non visible, ne pas pouvoir profiter de tout comme tout le monde, finalement voir que la maladie est toujours là, que seule la Covid est partie. Je ne sais pas comment je réagirais mais j'appréhende un contre-coup.  Nous verrons bien. 

En attendant, technique de la tortue : faisons encore le dos rond quelques semaines, on y est presque.

Bonne journée.