mardi 1 novembre 2022

Vivre avec la SEP : se lancer des défis sportifs

 



Chaque année je me lance un défi sportif, une semaine de sport pour voir où j'en suis. C'est à la fois une façon de me pousser davantage qu'à l'accoutumée et de me prouver que je peux encore me lancer dans des défis sportifs. Je faisais énormément de sport avant le diagnostic de la SEP et même si j'ai vu mes capacités baisser, notamment sur les efforts de longue durée, j'essaye de me mobiliser plusieurs fois par semaine notamment pour éviter la spasticité et maintenir le tonus. On a souvent pensé que le sport accentuait la fatigue pour les gens atteints de SEP. En fait, c'est plutôt l'inverse. Le sport a des vertus positives sur le long terme. En début d'année, je me fixe des objectifs sportifs pour l'année à venir. Cette année j'ai décidé de recourir et mon objectif est d'atteindre 5 kilomètres (il me reste deux mois j'arrive à courir pour l'instant 4 kilomètres). Je m'étais aussi programmé une semaine de sport d'eau dans l'année. Les sports d'eau sont plutôt une bonne entrée quand on souffre de SEP et de spasticité. Je me suis donc inscrit à une semaine d'initiation au surf, à raison de deux sessions par jour. Rapidement le premier jour, j'ai vu que l'effort physique demandé était beaucoup plus important que mon niveau de sport quotidien. Cependant, je me suis accroché comme c'était le but recherché de cette semaine et tout en me ménageant des pauses j'y suis arrivé, réussissant même à me lever parfois sur ma planche. Le fait de se pousser périodiquement au niveau sport se ressent immédiatement sur son bien être général. Bien évidemment vous serez fatigué directement après l'effort, même potentiellement exténué. Cette fatigue sera transitoire et finalement une fatigue différente de celle ressentie au quotidien avec la SEP. Je l'ai appelée la bonne fatigue. Lors de ce stage j'ai eu l'occasion de rencontrer une femme de 29 ans hémiplégique suite à un AVC très jeune et qui malgré son handicap allait quand même dans les vagues. J'ai été particulièrement impressionné et je me suis dit que faire les efforts dans mon cas était finalement facile. La semaine suivant le stage, j'étais particulièrement fatigué musculairement notamment. La semaine suivante par contre j'avais le sentiment d'avoir gagné en tonus général et d'avoir aussi plus de force dans mes déplacements. Je vous encourage selon vos capacités à maintenir une forme d'activité physique régulière même si votre SEP est avancée. En adaptant la difficulté à son handicap, tout le monde peut le faire. Cette femme hémiplégique en est un parfait exemple.

samedi 20 août 2022

Vivre avec la SEP : Paris à Stockholm en passant par le cercle polaire

 


Je n'ai pas écrit depuis longtemps. Je voudrais vous relater un projet de voyage que j'ai réalisé récemment. J'avais le projet avant le covid d'aller jusqu'à Stockholm en train en passant par le cercle polaire arctique sans utiliser l'avion (je reviendrai de Stockholm en avion). Le challenge était aussi un défi physique avec la SEP. Il y avait, outre la crainte d'avoir une poussée, comment j'allais gérer la fatigue et d'éventuelles problèmes de digestion et de vessie. J'ai commencé à planifier ce voyage fin janvier 2022 quand j'ai vu que le covid ne devrait pas être un obstacle trop grand pour voyager en mai. Les pays parcourus, Hollande Norvège et Suède étant plutôt stables sur le plan sanitaire, j'étais plutôt serein. J'ai pris un maximum de billets et de réservations annulables pour perdre le moins d'argent possible en cas de résurgence de l'épidémie ou de problèmes de santé imprévus. Le parcours fut le suivant :

- Paris jusqu'au nord de la Hollande (Eemshaven) en train
- Bateau jusqu'au Sud de la Norvège (Kristiansand (
- Train Kristiansand -Oslo
- Train Oslo - Trondheim
-  Train Trondheim - Bodo (qui a été remplacé par un bus !)
-  Bodo - Stamsund aux Lofoten en bateau
-  Stamsund Harstad en bateau
-  Harstad Narvik en bus
-  Narvik - Abisko puis Stockholm en train.
Les villes ne sont souvent pas très connues mais une recherche Google vous montrera le chemin à parcourir.
La préparation s'est donc avérée cruciale. D'un point de vue médical, tout d'abord. Il s'agissait de prendre le bon nombre de médicaments, la logistique de toutes les interconnexions entre les différents transports pour ne pas être trop fatigué. Savoir se garder des temps de repos entre les longues étapes. Savoir aussi quel était le mode de transport le moins fréquent. Dans mon cas les bateaux étaient rares et donc il ne fallait pas les rater quitte à adapter le reste .L'idée est aussi de doser les efforts chaque jour.

Voici mon récit sans parler de la SEP mais bien de l'aventure.

"Quand on entreprend d'aller en train à Stockholm en passant par le cercle polaire arctique, on ne peut que penser que le chemin est plus important que la destination. Alors parlons-en de ce chemin. Celui de quelqu'un qui avait envie de prendre le temps et donc de prendre le train. Tout commence à la gare du Nord. La gare du Paris-Lille en une heure deux mais aussi le point de départ de hordes de touristes et fêtards vers Bruxelles et Amsterdam. J'emprunte un de ces trains un vendredi matin. Le train est bondé, la majorité des gens descendent en effet à Amsterdam. Ça parle de soirées, de quartier rouge, des enfants pleurent. Les deux ingénieurs devant moi évoquent plus sérieusement les deep fakes, ces vidéos où vous pouvez usurper le visage de quelqu'un et lui faire dire ce que vous voulez. De là, des réflexions, finalement ne s'usurpe-t-on pas soi-même ? Tant de gens vous disent A au nom de la bien-pensante façon de penser, mais font en réalité B. Par exemple, combien ont décidé de renoncer à ces petits weekends en Europe à moins de 50eur en avion ? Je me pose moi-même la question. Je serai sans doute obligé de rentrer de Stockholm en avion, faute de temps et d'argent. Oui l'avion est moins cher, beaucoup moins cher...le paradoxe...des débats...des instances européennes qu'on voudrait plus directives sur la taxation (elles savent l'être). Enfin je m'égare. Je suis à Amsterdam mais je ne m'y attarde pas. J'y ai vécu il y a quelques années et puis je veux tester les interconnexions parfaites à la sauce hollandaise. Je m'arrête vingt minutes à Amsterdam Centraal. Le temps d'acheter un sandwich boulettes. S'ils ont atteint les interconnexions parfaites c'est qu'ils ont sans doute du lever le pied ailleurs. Ils semblent avoir choisi la gastronomie. Je vais enchaîner 3 connexions en 2h30, chacune de moins de 3 minutes pour finalement ne perdre que très peu de temps. Elles ont toutes marchées. Chaque train attendant l'autre ou l'inverse. Almere Zwolle Leeuwarden, je suis à Groningen. Le pays d'un tour de France permanent me revient. Les vélos sont partout. La ville est magnifique, entourée de nombreux canaux. La Hollande flotte c'est connu. La dernière étape me conduit le lendemain à Eemshaven, port au nord de la Hollande. Un train Arriva, filiale de la DB m'y conduit. A Eemshaven vous avez une interconnexion train-ferry au milieu des éoliennes. Le paysage est assez surréaliste. Il n'y a pas de ville, juste un port, une gare, des éoliennes et un bateau pour la Norvège. Le nom est explicite : Holland Norway Lines. Le nom du bateau Romantika me fait penser qu'il y aura beaucoup de retraités croisiéristes. J'aurais pu passer par l'Allemagne et le Danemark et être à Stockholm en moins de deux jours. J'ai choisi ce détour car l'important je l'ai déjà dit c'est le chemin. Dans 18h je serai à Kristiansand. J'aurais dormi et en face du quai d'arrivée, il y aura la gare et un train pour Oslo opéré par Go Ahead Nordic. La traversée est paisible, mer calme on vogue sereinement. Le temps de voir que la Finlande et la Suède veulent rentrer dans l'OTAN. En espérant avoir atteint puis quitté Stockholm, avant que les Russes aient des idées bizarres. D'ailleurs d'idée bizarre, un Brest Vladivostok me tente après ce voyage. Je suis né à Brest. Il faudra que les frontières réouvrent ou alors faire des détours comme j'en fais à l'heure actuelle. Enfin Vladivostok est en Russie, donc il faudra que cette nouvelle guerre de blocks s'arrête... Le train véritable trait d'union entre les peuples ...Je m'égare une nouvelle fois... Je me suis reposé...seul fait marquant particulier, la traversée des chants d'éoliennes en mer probablement allemands ou danois... Encore des éoliennes et en les contemplant j'ai pu échanger avec un passager hollandais qui se questionnait sur la viabilité écologique. Produire de l'électricité à partir du vent mais détruire le milieu marin en dessous. Encore une réflexion.

 

Me voilà à Kristiansand, grand soleil même s'il fait froid, on sent qu'on remonte sur l'échelle des latitudes. A Kristiansand le train pour Oslo est donc une nouvelle fois en face du bateau. Je ne prends pas le premier pour déambuler quelques heures dans cette petite ville côtière par ce beau soleil. Il y a des casiers consignes pour laisser mon bagage. Le nord de l'Europe a décidément cette fâcheuse habitude de simplifier votre vie. Dimanche ville calme et air marin pour mon entrée en Norvège. Le train pour Oslo est extrêmement moderne. Le marché est libéralisé depuis peu et les nouveaux entrants ont tendance à mettre en avant une qualité « voyageur ». Les deux premières heures depuis Kristiansand sont magnifiques. Une succession de rivières lac et forêts s'offrent à moi, un voyage de contemplation unique, je ne touche presque pas à mon livre, fasciné par les scènes qui défilent. Sur la deuxième partie du parcours, il y a un peu plus d'habitations puis nous arrivons dans les contours d'Oslo. Mon ami vient me chercher à la gare avec son fils. Je vais vivre la fête nationale norvégienne avec des locaux. La Norvège accorde une forme de bienveillance une journée où l'on se sent bien. Quitter mes hôtes va être compliqué surtout que presque 24h de voyage s'annonce jusqu'au Lofoten. Là je reçois un message de la compagnie SJ. Mon train de nuit est remplacé par un bus de nuit. Une partie de mon périple tombe à l'eau car je le faisais en partie pour les trains de nuit norvégien. Mais plutôt que renoncer je vais me faire ces 10h de route jusqu'à Bodo. Je dormirais dans le bus au lieu de dormir dans le train. Ça rend le périple un peu moins sexy mais surtout plus difficile. On ne dort pas aussi bien dans un bus. Mais j'ai un bateau à prendre et les bateaux sont la partie structurante du voyage car il y en a peu. Ça va être une rude journée, 7h de train et 10h de bus puis 3h de bateau si j'arrive à temps...Les 7h de train ont offert leurs lots de paysages magnifiques. Je recommande notamment d'être bien éveillé entre Hjerkinn et Kongsvoll, un plateau somptueux avec neige et sommets et le soleil de fin d'après-midi. Arrivé à Trondheim, le train est bien remplacé par un bus. 2h à attendre jusqu'à ce que des personnels de la compagnie viennent nous expliquer la procédure. Les 10h heures de bus commencent... rapidement ils se muent en 11 heures 30. Plus on monte sur l'échelle des latitudes moins il fait nuit. D'un côté on se rapproche du cercle polaire de l'autre dormir devient impossible. Il y a beaucoup de neige et une route au milieu de tout ça... c'est beau et je me dis qu'en train j'aurais dormi et finalement râté cette féérie...5h30 je somnole et soudain la borne du cercle polaire m'apparaît. Je suis dans le grand nord...Je m'assoupis un peu... Nous arrivons à Bodo ville portuaire et porte d'entrée des Lofoten. Grand soleil la traversée va être magique. Le premier fait marquant, il y a une vie dans le grand nord. La ville départ des Lofoten donne l'image d'une ville dynamique et enjouée. J'ai quelques heures. Je laisse ma valise dans une des consignes de la gare et je pars en exploration... essentiellement jusqu'à la jetée du port...Je reviens ensuite à l'embarcadère des ferrys. Le bateau est déjà là même s'il ne part que dans deux heures. Un bain de soleil méditatif s'impose... façon plus poétique de dire sieste. Le bus de nuit m'a épuisé et il faut que je recharge les batteries pour ne pas manquer l'arrivée sur les Lofoten. Nous prenons la route... enfin la mer... enfin nous voguons… et peu à peu l'immense barrière de 2500 km se dessine...des montagnes plantées dans l'eau...un épitome rare de la beauté du monde. Vous êtes envahi d'un sentiment contemplatif de plaisir intense. Un de ses endroits dont vous aviez entendu parler et où vous dites "ah ouais...quand même". Le soleil de 19h resplendit. Il ne fait plus vraiment nuit dans ses latitudes en mai. On se sent minuscule…on se dit aussi que c’est pour ça qu’on voyage…il y a des moments…je suis dans un de ces moments…monumental moment…j'arrive à Stamsund. Ma logeuse m'attend et me recommande de bien vérifier la météo. Je reste trois jours chez eux mais seul le lendemain offre un temps possible à l'ascension d'un sommet. Réveil matinal et marche de deux heures sur des cimes encore partiellement enneigées me font prendre conscience que je n'aurais pas ce moment suspendu avant longtemps... cette vision de paysages sortis d'un conte...ce sentiment de paix intérieure...je m'égare encore. Les deux jours suivants sont très brumeux, je fais essentiellement du vélo entre les familles de moutons d'un côté et la mer de l'autre... Il faut prendre mon bateau suivant : direction Harstad, le point le plus au nord de mon voyage et aussi le plus complexe car j'ai un train à récupérer le lendemain après-midi à Narvik et qu'il faut trouver un moyen de faire Harstad Narvik, problématique pas si anodine...enfin 120km de problématique. Mais avant il y a la traversée au milieu des fjords et d'un jour infini... encore une fois on suspend tout et on savoure. Je vais quand même dormir un peu. Arrivé à Harstad à 7h le matin, le bateau débarque près de la gare routière... décidément cette praticité nordique (je l'avais peut-être un peu vérifiée en amont...) Toujours est-il que tout est fermé et que je croise un conducteur de bus qui me dit qu'il n'y a pas de bus direct pour Narvik. Il faut prendre un bus jusqu'à l'aéroport d'Evenes, puis un autre d'Evenes à Narvik... Ironie d'un voyage sans avion de devoir passer par un aéroport sans prendre de vol... le sens de l'histoire ...un jour les aéroports devront sans doute servir à autre chose...je rêve...je m'égare... Toujours est-il que des chasseurs s'entraînent tout au nord de la Norvège enveloppant de la bronca de leur décollage ces paysages si paisibles. Cela rappelle qu'au Nord, on est proche des Suédois…des Finlandais... mais aussi des Russes. Oublions la guerre. Les paysages de cet intermède routier sont une nouvelle fois une parenthèse enchantée...on ouvre les yeux on contemple, il fait beau. Enfin à Narvik…enfin retrouver le train et la gare la plus au nord du périple…beaucoup d’attentes donc…
La gare de Narvik est sans doute un des endroits les plus aptes à vous déboussoler. Vous vous attendez à une gare qui en jette (vous avez passé un temps fou pour en arriver là) et en fait la gare est en rénovation. Les quelques voyageurs présents rechargent leurs téléphones sur les prises du chantier. On est lundi et à part les ouvriers il n'y a personne. 9 minutes avant le départ, il n'y a pas non plus de train. Une Américaine qui va à Lulea n'a pas pu acheter de billets car le train est complet. Complet sur le site car le train est vide. Le train étant arrivé finalement cahin caha. On est sur du bon vieux matériel. Sachant qu'il va jusqu'à Stockholm, pas surpris de voir un certain nombre de mines dubitatives. Le train démarre et tout de suite il met ses habits de lumière pour justifier son statut de train mythique "l'artic train" ou plutôt de ligne mythique. Le train s'élance au milieu des montagnes norvégiennes et des fjords. Vision féerique de montagnes enneigées et de fjords certes, mais vision cartésienne en se disant que certains sont venus la construire cette ligne...une forme de reconnaissance pour ceux qui nous permettent tout ça. Nous passons la frontière. La Suède est plus plate, moins vallonnée mais toujours autant de neige et toujours pas de nuit. Je m'arrête à Abisko-Östra je reprendrai ce même train dans deux jours pour la fin du voyage. Je suis toujours au-delà du cercle polaire arctique mais il fait plus chaud. Le lac est gelé, randos dans le parc national. On est dans l'entre deux. Il y a encore de la neige mais ça fond vite. On n'est plus en hiver mais pas encore en été, la station est vide. Un entre deux très solitaire qui permet de se ressourcer. Je reprends le même train pour ma destination finale "Stockholm". Arrivée dans 16 heures 38 minutes. Jamais pris un train aussi long... Après je pourrais y dormir en théorie. Train couchettes rustique de la compagnie VY. Je suis seul dans ma cabine puis deux lycéens montent à Kiruna. Ils me parlent un peu en anglais puis se tournent vers leurs téléphones. Le décalage est trop grand. J'ai vieilli...j'ai appris...je m'égare.
Rapidement je m'endors, bercé par la fatigue accumulée et par le roulis du train. Je me réveille... nous arrivons dans une heure...le temps de faire un brin de toilette.

"Stockholm Central"

Je me suis égaré pendant quinze jours dans les méandres d'un monde sans avion."


Si j'en fais un premier bilan. Tout s'est bien passé dans le sens où médicalement, il n'y a pas eu de nouveaux symptômes. J'ai pu me lancer dans des excursions pédestres par demies journées. J'ai appris à me jauger. J'aime le train et j'ai aussi compris que c'est un moyen particulièrement adapté à cette maladie. Vous pouvez voir des paysages incroyables sans trop d'efforts. Il y a le sentiment de l'accomplissement à la fin du voyage mais aussi de fierté, de se dire que l'on peut négocier avec la maladie et que ça ne se passe pas trop mal. 



Bonne journée.