dimanche 28 mars 2021

Vivre avec la SEP : Bilan d'un an de vie dans un monde avec la Covid



Nous sommes dans une période compliquée dont, espérons-le, nous n'avons jamais été aussi proches de sortir. Revenir à une vie plus normale. La normalité d'avant. Cette période où nous avions la sclérose en plaques mais où il n'y avait pas de virus. Pour tous, l'arrivée dans le monde de la SEP constituait déjà une forme de saut dans un nouveau monde. Ce fut en tout cas mon ressenti. 

La maladie nous force constamment à nous adapter et je dirais que j'ai vécu la pandémie comme une adaptation supplémentaire. Quand je regarde autour de moi, j'ai le sentiment que cette nécessité d'adaptation est venue plus contraindre les "valides" car il n'avait jamais ressenti ce poids violent d'une contrainte imposée, durable dans le temps, à laquelle on ne peut pas s'opposer. Personnellement, j'ai vécu l'annonce de la SEP et les deux premières années qui ont suivi de manière bien plus terrible que l'annonce du premier confinement. Je me suis pourtant imposé un premier confinement très dur. Etant sous immunosuppresseurs et les médecins ayant très peu de recul sur l'impact de la Covid sur la SEP au début de la pandémie, je n'ai pris aucun risque. Je n'ai vu personne pendant deux mois, je me suis fait livrer ma nourriture. Décrit comme cela, nous ne sommes pas loin de la prison. Mais j'étais en télétravail (donc l'esprit occupé), je voyais de la famille et des amis par Internet. Le point différent est que cela concernait tout le monde. Toute la population était confinée. La déflagration du diagnostic de la SEP vous concerne vous, seul. C'est une introspection forcée, brutale, à laquelle on ne se prépare pas. On peut se préparer d'une certaine manière à un confinement (en achetant du papier toilette visiblement) et on sait que cela sera temporaire. Dans le cas de la SEP, vous savez que cela va durer, être imprévisible. Il y a moins de moyens pour la recherche que dans le cas d'une solution rapide multi-états pour une pandémie. La résignation s'empare de vous. La SEP bouleverse potentiellement aussi davantage votre vie. Un certain nombre d'entre vous ont dû changer de travail, arrêter certains sports, certaines activités. Ce fut mon cas. La crise de la Covid n'a pas forcément eu tous ces effets sur votre vie si vous avez pu garder votre emploi. Ce fut aussi mon cas. On retrouvera en théorie une grande partie de notre vie d'avant prochainement. Par contre, il y a peu de gens qui guérissent pleinement de la SEP. Elle s'endort parfois pendant plusieurs mois, plusieurs années puis revient soudainement. C'est psychologiquement plus difficile. Je la compare à la situation d'être reconfiné perpétuellement et sans préavis. Certes, si la situation sanitaire actuelle commence à y ressembler, on est encore loin de tout cela, car la SEP dure une quarantaine d'années ou plus pour les gens diagnostiqués dans leur vingtaine.

Pour revenir au sujet, j'ai donc plutôt bien vécu cette période. Médicalement, j'ai gardé mes problèmes sans trop d'accentuation (toujours les mêmes troubles de sommeil, vésico-sphinctériens, fatigue). Seule une tâche supplémentaire à l'IRM annuel est venu me contrarier, juste de quoi ne pas vous faire oublier que la maladie progresse toujours insidieusement. Sur le plan mental, je me suis surpris résilient, beaucoup plus résilient que je ne l'aurais soupçonné, en comparaison d'une certaine détresse psychologique que j'ai vue naître chez des personnes "valides" autour de moi. Je pense que la SEP vous force à une introspection dès le diagnostic et d'une certaine manière je crois que je l'avais déjà faite. Les cafés et restaurants fermés, lieux qui me permettent de faire des "pauses" quand je me balade ou visite une ville, le fait de voir mes amis masqués, le fait de travailler différemment, tout cela pèse à la longue. Cependant je garde espoir. La recherche a progressivement identifié peu de risques supplémentaires pour les personnes ayant la SEP, même les immunodéprimés. Les premières vaccinations des patients ayant la SEP ne présentent pas de risques particulièrement accrus par rapport au reste de la population. Plus généralement la vitesse à laquelle une solution a été trouvée, notamment grâce à l'ARN messager laisse à penser qu'un certain nombre de solutions vont être trouvées pour d'autres pathologies. L'objectif personnel qui m'anime et qui me fait vivre et de voir une solution à la SEP de mon vivant. L'après Covid sera peut-être plus compliqué pour moi. Reprendre sa vie d'handicapé non visible, ne pas pouvoir profiter de tout comme tout le monde, finalement voir que la maladie est toujours là, que seule la Covid est partie. Je ne sais pas comment je réagirais mais j'appréhende un contre-coup.  Nous verrons bien. 

En attendant, technique de la tortue : faisons encore le dos rond quelques semaines, on y est presque.

Bonne journée.