mardi 14 septembre 2021

Vivre avec la SEP : Vivre le moment présent


    J'ai fait une rencontre récemment, une personne que vous croisez pendant vos vacances, une personne que vous ne reverrez sans doute pas. Souvent ces rencontres sont les meilleures car la personne a peu d'information sur vous. Dans le cas de cette rencontre la personne avait l'avantage d'être une personne sans filtre, aucune retenue en positif comme en négatif. Depuis tout petit et encore plus depuis mon diagnostic de la sep, j'ai une tendance à me projeter dans l'avenir, souvent d'ailleurs en y voyant le mal et à ne pas profiter à 100% du moment présent. Par exemple, vous voyez un magnifique paysage, une personne en pleine conscience va vivre le moment soit en silence soit avec des expressions du type "c'est beau" alors qu'une personne en projection va dire "ça va être difficile lundi au bureau". Je me situe dans cette deuxième catégorie. Ça ne paraît pas grand chose mais finalement si ces deux personnes sont côte à côte la première percevra la réflexion du second comme perturbatrice et négative par rapport au moment présent.

Dans la sep comme en général la maladie va évoluer vers le négatif, on peut à la fois voir le futur en négatif, se brider par rapport à la réalisation de certaines actions du futur proche "je ne vais pas tenter ceci car tu sais s'il m'arrive ça..." et on finit par occulter les émotions de l'instant présent car notre esprit est complètement obstrué. On finit par ne plus prendre aucun risque et on s'éteint. Cette personne m'a dit "profite de l'instant présent". Cela peut commencer par des choses simples, manger plus lentement et sentir les aliments que l'on mâche, sentir l'eau que l'on boit, sentir l'objet que l'on saisit... Tout ce qui peut vous ramener au présent. Les sépiens sont souvent des esprits tourmentés, parcourus par de nombreuses idées parfois noires sur le futur. Et si on essayait de se prendre des moments pour vivre l'instant présent ? Je ne dis pas qu'il ne faille pas planifier un minimum, notamment avec les problématiques physiques de la SEP mais ne peut-on pas profiter plus ? Se prendre des moments où on est pleinement là ? Finalement c'est savoir arrêter de penser à un futur négatif pour profiter. Cette personne a définitivement touché un point sensible chez moi en me bousculant sur ce sujet de l'instant présent. Avant de dormir, je fais souvent de l'autohypnose mais là c'est essayer de vivre pleinement chaque moment. J'ai décidé que cela serait mon grand défi de la deuxième partie d'année et je voulais partager ceci avec vous car je sais que cela concerne un grand nombre de gens atteints de sep. 

Savoir profiter et arrêter de s'apitoyer sur la pensée d'un futur hypothétique qui ne sera pas forcément négatif car en plus de se faire mal on diffuse le négatif aux autres. Je vous partagerai l'impact et les avancées de cette décision.

Bonne journée.

dimanche 11 juillet 2021

Vivre avec la SEP : pensées d'été


 Je n'ai pas écrit depuis longtemps. Nos sommes à peu près à la moitié de cette année 2021. La covid est là, apparue soudainement dans nos vies. J'y vois un parallèle avec la SEP, apparue elle aussi soudainement. Le chemin avec le virus sera long, il en est de même pour la SEP. L'avons-nous décidé ? Non. Nos vies ont-elles été bouleversées ? Oui. La perception des gens change avec la SEP. Pour le virus, on commence à voir un schisme entre vaccinés et non vaccinés. On voit aussi le manque de recul, le fait que la science ne sait pas encore tout. Cela ramène aussi à la sclérose en plaques, maladie aux mille visages, dont la science n'a pas encore percé tous les mystères. 

L'ARN messager semble être une solution prometteuse pour faire face aux virus. La recherche montre que cela pourrait aussi devenir le cas pour vaincre certaines maladies auto-immunes. Là encore, beaucoup de similitudes.

Et il y a ce besoin de vivre, de revivre. Dans la sep, une fois le deuil de sa vie d'avant faite, une fois une part d'acceptation ou d'acceptabilité de sa nouvelle condition, il faut aussi penser à revivre. Revivre pour soi, revivre pour les autres, revivre avec les autres. A ce moment, commence en général l'expérience de la ligne de flottaison à trouver entre savourer pleinement en sachant qu'on le paiera les jours suivants et ne rien faire pas peur du risque. Où placer le curseur ? Comment entreprendre sans se faire sanctionner immédiatement parce qu'on a trop tenté et que la maladie nous a rattrapé en nous condamnant à un corps trop fatigué pour finir notre projet ? Je suis plutôt d'un naturel optimiste, je dirais "tentez !", "essayez !" en vous posant la question qu'est-ce qui arrivera dans le pire des cas ? S'il y a vraiment un danger important sur ma vie, en général j'y réfléchis à deux fois, dans le cas contraire je fonce. 

Cette maladie comme le virus nous apprend que la contrainte peut venir subitement sans qu'on l'attende, il faut profiter du temps présent. Dans mon cas, cette bascule a été mentalement difficile à faire. J'ai toujours pensé "futur". Mes différents emplois ont toujours été dans la planification. La société nous apprend à planifier, l'éducation est un pari sur l'avenir et on oublie de profiter suffisamment du "maintenant". Mon gros travail en 2021 se résume ainsi, essayer de se détacher du futur et vivre en pleine conscience l'instant présent le plus possible. Je prépare le moment en amont pour pouvoir le vivre le plus pleinement possible dans l'instant. Cela passe notamment par un ressenti de son corps, d'identifier les douleurs, de savoir les moments de sommeil supplémentaires nécessaires, pouvoir dire stop, mais aussi "je fonce" et enfin se détacher de la maladie. Je ne nierai pas qu'il est difficile de l'oublier. Beaucoup de choses vous y ramènent. Les IRM, les prises de sang, les visites à l'hôpital sont ces cartes postales annuelles, trimestrielles pour vous rappeler que vous serez toujours deux dans cette aventure. Dès lors, envisagez le partenariat, essayez le consensus. Vivre au quotidien avec un ennemi s'avère illusoire. Se battre contre soi-même ou avec soi-même ?

La vie même différente, c'est quand même bien n'est-ce pas ? Statistiquement, nous ne sommes pas très chanceux mais nous pouvons relativiser en nous disant que finalement nous avons gagné au loto en naissant. Ceci m'aide à me détacher des soucis bénins et matériels du quotidien, ça apaise l'esprit et cela permet de consacrer son énergie au moment présent. Reconsidérer l'important, ne pas dépenser d'énergie à se faire du mauvais sang. Facile à écrire, je sais.

Un très bon été à vous !

dimanche 28 mars 2021

Vivre avec la SEP : Bilan d'un an de vie dans un monde avec la Covid



Nous sommes dans une période compliquée dont, espérons-le, nous n'avons jamais été aussi proches de sortir. Revenir à une vie plus normale. La normalité d'avant. Cette période où nous avions la sclérose en plaques mais où il n'y avait pas de virus. Pour tous, l'arrivée dans le monde de la SEP constituait déjà une forme de saut dans un nouveau monde. Ce fut en tout cas mon ressenti. 

La maladie nous force constamment à nous adapter et je dirais que j'ai vécu la pandémie comme une adaptation supplémentaire. Quand je regarde autour de moi, j'ai le sentiment que cette nécessité d'adaptation est venue plus contraindre les "valides" car il n'avait jamais ressenti ce poids violent d'une contrainte imposée, durable dans le temps, à laquelle on ne peut pas s'opposer. Personnellement, j'ai vécu l'annonce de la SEP et les deux premières années qui ont suivi de manière bien plus terrible que l'annonce du premier confinement. Je me suis pourtant imposé un premier confinement très dur. Etant sous immunosuppresseurs et les médecins ayant très peu de recul sur l'impact de la Covid sur la SEP au début de la pandémie, je n'ai pris aucun risque. Je n'ai vu personne pendant deux mois, je me suis fait livrer ma nourriture. Décrit comme cela, nous ne sommes pas loin de la prison. Mais j'étais en télétravail (donc l'esprit occupé), je voyais de la famille et des amis par Internet. Le point différent est que cela concernait tout le monde. Toute la population était confinée. La déflagration du diagnostic de la SEP vous concerne vous, seul. C'est une introspection forcée, brutale, à laquelle on ne se prépare pas. On peut se préparer d'une certaine manière à un confinement (en achetant du papier toilette visiblement) et on sait que cela sera temporaire. Dans le cas de la SEP, vous savez que cela va durer, être imprévisible. Il y a moins de moyens pour la recherche que dans le cas d'une solution rapide multi-états pour une pandémie. La résignation s'empare de vous. La SEP bouleverse potentiellement aussi davantage votre vie. Un certain nombre d'entre vous ont dû changer de travail, arrêter certains sports, certaines activités. Ce fut mon cas. La crise de la Covid n'a pas forcément eu tous ces effets sur votre vie si vous avez pu garder votre emploi. Ce fut aussi mon cas. On retrouvera en théorie une grande partie de notre vie d'avant prochainement. Par contre, il y a peu de gens qui guérissent pleinement de la SEP. Elle s'endort parfois pendant plusieurs mois, plusieurs années puis revient soudainement. C'est psychologiquement plus difficile. Je la compare à la situation d'être reconfiné perpétuellement et sans préavis. Certes, si la situation sanitaire actuelle commence à y ressembler, on est encore loin de tout cela, car la SEP dure une quarantaine d'années ou plus pour les gens diagnostiqués dans leur vingtaine.

Pour revenir au sujet, j'ai donc plutôt bien vécu cette période. Médicalement, j'ai gardé mes problèmes sans trop d'accentuation (toujours les mêmes troubles de sommeil, vésico-sphinctériens, fatigue). Seule une tâche supplémentaire à l'IRM annuel est venu me contrarier, juste de quoi ne pas vous faire oublier que la maladie progresse toujours insidieusement. Sur le plan mental, je me suis surpris résilient, beaucoup plus résilient que je ne l'aurais soupçonné, en comparaison d'une certaine détresse psychologique que j'ai vue naître chez des personnes "valides" autour de moi. Je pense que la SEP vous force à une introspection dès le diagnostic et d'une certaine manière je crois que je l'avais déjà faite. Les cafés et restaurants fermés, lieux qui me permettent de faire des "pauses" quand je me balade ou visite une ville, le fait de voir mes amis masqués, le fait de travailler différemment, tout cela pèse à la longue. Cependant je garde espoir. La recherche a progressivement identifié peu de risques supplémentaires pour les personnes ayant la SEP, même les immunodéprimés. Les premières vaccinations des patients ayant la SEP ne présentent pas de risques particulièrement accrus par rapport au reste de la population. Plus généralement la vitesse à laquelle une solution a été trouvée, notamment grâce à l'ARN messager laisse à penser qu'un certain nombre de solutions vont être trouvées pour d'autres pathologies. L'objectif personnel qui m'anime et qui me fait vivre et de voir une solution à la SEP de mon vivant. L'après Covid sera peut-être plus compliqué pour moi. Reprendre sa vie d'handicapé non visible, ne pas pouvoir profiter de tout comme tout le monde, finalement voir que la maladie est toujours là, que seule la Covid est partie. Je ne sais pas comment je réagirais mais j'appréhende un contre-coup.  Nous verrons bien. 

En attendant, technique de la tortue : faisons encore le dos rond quelques semaines, on y est presque.

Bonne journée.