dimanche 18 octobre 2020

Vivre avec la SEP : le diagnostic et la sensation d'être seul avec un autre corps


2020 est par excellence l'année "pourrie": confinement, deuxième vague du coronavirus, identification d'une partie de la population comme à risques, identification de certains territoires comme à risques. Vous pouvez également ajouter des dérèglements climatiques et du terrorisme et tout le monde s'accordera pour dire qu'il n'a pas vécu d'année plus difficile depuis longtemps. Paradoxalement je trouve que l'année du diagnostic de la sclérose en plaques fut bien plus terrible. Aujourd'hui un post un peu plus personnel sur comment j'ai ressenti mon verdict de la sclérose en plaques si j'y repense aujourd'hui.

C'était le 8 mars 2014. Pour donner de la solennité à un verdict, il est important qu’il vous soit donné dans une pièce sans vie, sans émotion, sans fenêtre et n’offrant aucun objet marquant auquel se rattacher. Je me rappelle que le bureau du neurologue se voulait conforme à cette description et il m’accueillit avec un sourire de façade. J'avais effectué une IRM de contrôle après une chute en course à pied. Ce rendez-vous était la seconde opinion sur une IRM qui avait révélé des petites traces blanches. Le premier médecin, un chirurgien neurologue, n'avait rien décelé d’un point de vue chirurgical mais avait noté une forme d'hyperactivité cérébrale qui lui avait suggéré de demander un second avis à un collègue neurologue. Le médecin m'avait envoyé un message "vous viendrez me voir, mais ça n'est pas urgent" (En effet, la SEP allant m'accompagner toute ma vie, je comprends mieux aujourd'hui l'absence de sentiment d'urgence.) Je me rappelle de l'oxymore du médecin, 

"Vous avez une maladie incurable, mais cela se soigne".

Quand on m'annonça que c'était une sclérose en plaques, je sus que j'avais quelque chose de grave ayant déjà entendu le nom, mais je n'avais aucune idée des symptômes et des problèmes à venir. Je croyais davantage à des problèmes dermatologiques. Le médecin me dit alors qu'il devait confirmer le diagnostic par un test des yeux et une ponction lombaire. Je ne savais pas à quoi m'attendre pour la ponction lombaire, mais je savais que ce n'était pas anodin. J'avais donc quelque chose de "pas anodin". 

Je me rappelle que j'étais plongé dans mes pensées et que je ne demandai rien, ni le nombre de gens souffrant de cette maladie, les symptômes à long terme ou encore les méthodes de traitement. C'est en rentrant chez moi et en faisant des recherches sur Internet que j'ai pris vraiment conscience de la maladie, des symptômes et des évolutions (rappelez-vous cependant qu'Internet présente les pires cas d'abord pour vous ajouter une couche d'anxiété supplémentaire. Si vous êtes récemment diagnostiqué, vous n'aurez pas tous les symptômes décrits !) .

Je le ressentis comme l'écroulement d'un monde et la bascule vers un inconnu très inquiétant. J'ai aussi eu le sentiment que mon corps me lâchait. Je n'avais plus confiance en lui.  Rationnellement entre le 8 mars 2014 et le 9 mars 2014, je n'avais pas forcément beaucoup perdu physiquement, mais mon esprit avait changé. Je n'avais plus la sérénité d'avant dans mon propre corps. C'est comme si la distance entre mon esprit et l'enveloppe corporel qui l'incarnait avait profondément grandi, un fossé qui s'élargissait. La prise de conscience d'un futur très incertain jouait certainement. J'anticipais que mon corps allait progressivement ne plus pleinement répondre à mes désirs.

Il y eut aussi temporairement le sentiment d'injustice. Pourquoi moi ? Pourquoi maintenant ? Rationnellement, ce type de maladie se détecte entre 25 et 35 ans. Finalement le timing n’avait rien de surprenant. J'en avais 27. Etant super cartésien, cela disparut très vite.

Il y a quelques dates que vous gardez en mémoire toute votre vie. Il y en a en général peu, une dizaine tout au plus. Je sais que celle-ci restera pour longtemps une des plus marquantes. Celle qui m'aura fondamentalement changé. 

Avec le recul aujourd'hui, j'ai profondément évolué. Il y a bien plus que la maladie. Certes, il y a eu et il y aura des jours "sans", mais avec un certain nombre d'adaptations (que je décris notamment sur ce blog) et un état d'esprit raisonnablement orienté vers le positif et la vision d'un verre à moitié plein, vous irez de l'avant. Pour tous les sépiens, l'annonce du diagnostic est quelque chose de particulier, mais ça reste seulement la donnée initiale d'un nouveau parcours de vie que vous choisirez et que vous construirez. Vous devrez peut-être adapter vos plans, mais tout ne s'envolera pas :)


Bonne fin de journée.



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